Septembre est le mois de la sensibilisation à l’alopécie. Elle affecte 20% de femmes dans le monde. Neuf mois après sa naissance, Elodie développe cette pathologie auto-immune qui se traduit par la perte de cheveux, de cils et de sourcils . Loin de la subir comme une fatalité, loin de la porter comme un fardeau, elle en a fait une force. Portrait.
Elodie Amélé est une battante, une combattante. On lui a découvert une alopécie partielle dès l’âge de 9 mois devenue totale à 19 ans. Plus de cheveux, plus de cils, plus de sourcils. Elle se soumet alors à différents traitements médicaux : lotions, PUVAthérapie à l’aide de rayons ultraviolets, prélèvements du cuir chevelu qui l’ont traumatisée. Hélas, la solution médicale n’existe pas. « La première partie de ma vie s’est réduite à un parcours médical. J’ai dit stop quand on m’a proposé l’implant de cheveux, explique Elodie. L’alopécie est une défaillance du système auto-immunitaire, mais je ne me considère comme malade pour autant. Cette étiquette est lourde à porter et je ne veux surtout pas me cacher derrière. J’ai appris à vivre ma vie en m’acceptant comme je suis. Avec ou sans cheveux. »
Aujourd’hui, les cils dessinent à nouveau le visage d’Elodie, tandis que les sourcils réapparaissent à 75%. Ils sont devenus son baromètre. « Que ce soit dans des lieux de vie ou au sein d’activités professionnelles, dès que je ne me sentais pas à ma place ou dès que je n’étais plus en phase avec moi-même, mes sourcils commençaient à tomber. Je me suis alors orientée vers des activités qui me nourrissent de l’intérieur en privilégiant la passion, les coups de cœur plutôt que le compte en banque. »
Ce chemin qui mène à l’harmonie
Le déclic sera un déménagement dans le Sud de la France. Enceinte, Elodie veut absolument accoucher à la maison. Un choix très fort qu’elle assume pleinement. « L’instinct de mère a pris le pas sur le professionnel », dit-elle. Ses filles ont 12 et 6 ans, maintenant. Elles profitent, comme papa et maman, d’un décor de carte postale lové entre lac, montagne et forêt, propice à développer chaque jour une énergie contagieuse. « La qualité de vie, le retour à la nature constituent un chemin qui mène à l’harmonie. Je fais du bénévolat, je m’épanouis à travers les activités du village, j’ai participé à un café associatif culturel. Avec mon mari, nous sommes engagés dans le local, dans le lien humain plutôt que dans la dépendance virtuelle des réseaux à distance. C’est tellement mieux de pouvoir se dire en face »Bonjour, comment tu vas ? » Pour moi, c’est la famille avant tout et passer de bons moments ensemble, ça n’a pas de prix. Et en prime, mes sourcils repoussent… », témoigne Elodie qui s’est mise à pratiquer spontanément les arts intuitifs, la peinture ou le chant. Comme une thérapie. Comme une acceptation. Comme une déclaration d’amour de soi.
Cette alopécie qui aurait pu lui peser comme une fatalité, comme un fardeau est devenue une force. « Elle m’a obligée à me dépasser. Sans elle, je n’en serais pas là où j’en suis aujourd’hui. ». Femme heureuse, rieuse, amoureuse, Elodie doit aussi composer avec le regard des autres. « En me voyant sans cheveux, les gens pensent souvent que j’ai un cancer. Je leur réponds que tout va bien, que je suis en très bonne santé, qu’il s’agit juste d’une alopécie développée depuis toute petite et que je m’assume pleinement comme je suis. »
«C’est comme si la vie l’avait préparé à me rencontrer»
Elodie peut aussi compter sur le soutien et l’amour de sa famille, notamment celui de son mari qui a toujours apprécié la beauté de la chanteuse irlandaise au crâné rasé Sinead O’Connor. «Il était déjà un peu conditionné. Mieux encore, bien avant de me connaître, il a croisé un jour une femme sans cheveux dans la rue. Il s’est retourné et l’a trouvée magnifique. Une petite lumière s’est sans doute allumée dans son cerveau. C’est comme si la vie l’avait préparé à me rencontrer. Il m’aime comme je suis…», sourit Elodie qui se souvient aussi de ses années de lycée. A l’époque, elle portait une perruque pour masquer ses plaques au cuir chevelu («c’est encore plus difficile à assumer que d’être chauve», fait-elle remarquer), ce qui a alimenté de nombreuses rumeurs. Il lui a fallu beaucoup de cran pour s’exprimer devant toute la classe. «J’ai évoqué mon alopécie, j’ai mis des mots dessus. Simplement, sincèrement. Il fallait oser l’assumer, mais les enfants ou les jeunes ados ne stigmatisent pas comme les adultes. Ils ont cette faculté de passer très vite à autre chose, on redevient copain/copine et on oublie les différences.»
« En me découvrant avec des cheveux, j’ai pleuré d’émotion »
Depuis, Elodie a alterné les phases avec et sans perruque. D’abord sans, désireuse de relever « un challenge d’amour de soi » en s’acceptant privée de cils, de sourcils et de cheveux, puis avec, à l’occasion d’un shooting photo. « En me découvrant avec des cheveux, j’ai pleuré d’émotion. Comme si une partie de moi qui se considérait encore comme une enfant chauve devenait tout à coup une femme. C’est comme si j’avais fait un bond dans le temps. »
Aujourd’hui, Elodie Amélé ne porte plus de complément capillaire. « Je peux comprendre le traumatisme que peut ressentir une femme en se regardant dans le miroir le matin au réveil sans cheveux. Je suis aussi passée par là. Si mon exemple peut inspirer, tant mieux, mais je ne cherche à convaincre personne. Chaque expérience est personnelle, intime. Le plus important c’est d’oser être soi, de se présenter au monde de la façon où l’on se sent le mieux, avec ou sans perruque. Moi aussi la sensation de cheveux m’a manqué, mais si on se sent bien sans cheveux et qu’on décide de porter une perruque par peur du regard des autres, c’est dommage. Le plus important c’est de vivre pour les autres ou d’abord pour soi ? Être en accord avec soi-même, voilà ce qui compte. Si mes cheveux repoussent, tant mieux, ils le feront de façon naturelle et j’en serai très heureuse, mais ce n’est plus cela qui définit ma vie. »
Un élan de vie
Luniverselle, c’est un appel à l’amour de soi parce qu’il est temps d’apprendre à s’aimer. Cette association créée par Elodie Amélé dans la continuité de « Belle même sans cheveux » est ouverte à tous. « On ne nous a pas appris à nous aimer, on nous apprend juste à nous comparer, à être en concurrence. Or, il faut d’abord se remplir d’amour pour pouvoir en donner à l’autre. Il faut sortir du rôle de victime, car si on se considère comme victime, on va attirer les bourreaux. Je le dis avec d’autant plus de bienveillance que je suis aussi tombée dans le piège », souligne-t-elle.
A travers Luniverselle, Elodie souhaite donner un nouvel élan de vie aux personnes touchées par l’alopécie. « J’aurais aimé moi aussi que quelqu’un me dise : tu vas y arriver et en même temps cette association me transmet beaucoup de force que j’ai envie de partager à mon tour avec d’autres femmes. Plus on a d’amour pour soi, plus on peut accueillir l’autre. Plus on aime nos parts d’ombre, plus on les accepte chez l’autre. On n’en a plus peur. Qui choisit-on alors de nourrir : notre petit démon ou notre ange gardien qui nous rappelle toute la sagesse qui est en nous au fond de notre cœur ? »