Cancer de l’enfant : comment l’annoncer ?

Des mots pour des maux

Il ne faut jamais sous-estimer les réactions psychologiques de l’enfant face à son cancer. Elles dépendent énormément de la capacité de ses parents à affronter la maladie, à en parler, à expliquer, à évacuer le traumatisme. Alors pourquoi leur dire ?

« L’enfant a toujours l’intuition de son histoire. Si la vérité lui est dite, cette vérité le construit», assène Françoise Dolto, pédiatre et psychologue, dont les succès en librairie ne se sont jamais démentis. Ce n’est ni protéger, ni épargner un enfant que de lui cacher les drames de la vie. Il est suffisamment intuitif et observateur pour ressentir que quelque chose ne tourne pas rond au sein du cercle familial.

De plus, son imagination est débordante et parfois même sans limite. Or, ressentir un mal-être chez ses parents (fatigue, silence, absence, mélancolie) peut le conduire sur de fausses pistes susceptibles de développer un sentiment de culpabilité : « S’ils sont tristes, c’est à cause de moi, mais ils ne veulent pas me le dire. » Le culte du secret constitue une source d’angoisse pour l’enfant, y compris chez les plus petits.

Il est donc plus que nécessaire de dévoiler la vérité. Mais le plus important, c’est de savoir quand ? Certes, il n’y aura jamais de bon moment pour annoncer une si mauvaise nouvelle. Cependant, une chose est sûre : plus on retarde l’échéance, plus cela rendra les choses difficiles, que ce soit pour vous ou pour lui. Pire, apprendre trop tard une nouvelle aussi importante peut déclencher chez lui un sentiment de trahison : pourquoi m’ont-ils menti pendant aussi longtemps ?

L’imaginaire au secours de la vérité

Mais auparavant, il faudra faire un gros travail en amont, intégrer ce coup de poing en pleine figure que constitue l’annonce d’un cancer, digérer et considérer la nouvelle, se montrer rassurant pour ne pas transmettre à l’enfant le stress et l’angoisse qui vous assaille à cet instant précis.

Alors justement, quel moment choisir pour dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ? Le matin au petit déjeuner avant de partir à l’école ? Bof ! Votre enfant va se retrouver seul à l’école avec ses interrogations, ses questionnements, sans obtenir aucune réponse. Alors le soir au coucher ? Pas mieux, car se retrouver ensuite seul dans son lit est de nature à susciter un excès de stress propice à une nuit peuplée de cauchemars. La meilleure solution serait de se calquer à son rythme de compréhension, plus il est calme, plus il sera compris, plus il sera en mesure de vous poser les bonnes questions et de recevoir en retour les bonnes réponses. Dans l’idéal, la présence des deux parents est souhaitée, tout comme celle d’un proche en qui l’enfant a pleinement confiance, une personne susceptible de prendre le relais dans les moments plus délicats ou plus pénibles avec le recul nécessaire…

Reste ensuite à trouver les mots pour soulager les maux et surtout adapter le discours à l’âge de l’enfant. Pour cela, il ne faut pas hésiter à se servir de dessins, de jeux, de livres et de se transposer dans l’imaginaire d’une histoire qui lui est chère. L’aide d’un professionnel de santé, d’un(e) psychologue de l’école peut également accompagner ce travail.

« Je ne sais pas, mais je vais me renseigner »

Autre interrogation : doit-on vraiment appeler cancer son cancer ? Tout le monde, au moins une fois dans sa vie, a été confronté à cette maladie et votre progéniture en a forcément déjà entendu parler. Mais comme tous ses copains et copines du même âge, elle a horreur des mensonges, des non-dits. Alors que faire ? Il n’existe pas de recette miracle. C’est à chacun de s’adapter à la personnalité, au ressenti et au vécu de l’enfant. Dans ce cas, opter pour la transparence reste la meilleure des alternatives. « Je ne sais pas, mais je vais me renseigner », « Dès que j’en sais plus, c’est promis je réponds à toutes tes questions » constituent des attitudes responsables plutôt que de verser dans de vagues et vaines promesses. Ainsi, elle ou il se persuade que ses parents ne lui cachent rien. Autant, il ne faut ni dramatiser, ni se montrer défaitiste, autant il ne faut ni mentir, ni minimiser. C’est en normalisant ses émotions qu’on va l’aider à les assumer. On peut lui dire qu’on est en colère contre la maladie (et surtout pas contre lui), que cette maladie n’est pas contagieuse (pour le déculpabiliser), qu’il y aura toujours des câlins, que ce n’est la faute de personne, que toute la famille va se battre ensemble, qu’il ne sera jamais seul et que plein de gens (médecin, personnel soignant, psychologue, intervenant…) s’occupent de lui.

Enfin une priorité?

Chaque année, on recense en France quelque 2 500 nouveaux cas de cancers chez les moins de 25 ans, selon un rapport de l’Institut Curie. Malgré un taux de survie proche de 85%, trop d’enfants (environ 500) meurent de cette maladie, première cause de décès chez les plus de 1 an et la seconde chez les moins de quinze ans après les accidents.

Il existe plus d’une centaine de types de cancers pédiatriques chez les enfants et les adolescents. Les plus fréquents sont les leucémies (29%), les tumeurs du système nerveux central en particulier le cerveau et la moelle épinière (25%), ainsi que les lymphomes (10%). Enfin, 50% de ces cancers surviennent avant l’âge de cinq ans.

Dans les années 70, le taux de mortalité des cancers de l’enfant et de l’adolescent était encore très élevé culminant autour de 75%. Aujourd’hui, les progrès de la recherche ont infléchi la courbe et que ce soit en France ou en Europe, les politiques publiques ont enfin pris conscience de l’urgence plaçant les cancers pédiatriques au rang des priorités. 

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