« Qu’on soit petite, grande, ronde, mince, rousse, avec des taches de naissance, à forte poitrine ou inversement, chauve, et que sais-je encore, apprenons à nous aimer »
Quand les réseaux sociaux deviennent une thérapie… C’est l’histoire de Marie, une jeune femme de 24 ans qui a passé la moitié de sa vie sans cheveux, sans sourcils, sans cils et sans poils mais avec une force incroyable pour accepter sa différence.
C’est à 12 ans que Marie a commencé à perdre tous ses poils et cheveux, en quelques mois elle n’avait plus rien. Elle souffre de la forme la plus sévère de pelade, la pelade universelle.
A cet âge-là il est très dur de faire face à une situation pareille. Entre le regard des autres et le regard qu’on se porte à soi-même il est bien compliqué de s’accepter.
Au fil du temps Marie a appris à apprivoiser sa « copine » comme elle dit et on peut dire qu’elle a fait un sacré chemin. C’est au mois de mai 2020, 12 ans après le début de sa maladie, qu’elle a fait un pas de géant dans son parcours puisque, pour la première fois, elle a osé se montrer sans perruque sur son tout nouveau compte Instagram @baldiary_. Et pour ça elle peut être fière !
Si son compte est d’une grande aide pour de nombreuses personnes il est aussi une vraie thérapie pour Marie. Il l’aide à s’accepter telle qu’elle est, à prendre confiance en elle et à se sentir bien dans sa peau.
Un témoignage qui nous touche tout particulièrement tant on est abasourdi devant la force et le courage dont elle fait preuve. Un grand bravo Marie et merci de nous partager votre histoire si impressionnante.
Qui êtes-vous en quelques mots ? Quand avez-vous découvert votre pathologie ? A quel stade en êtes-vous aujourd’hui ?
Je m’appelle Marie, j’ai 24 ans, je suis infirmière et je vis en Alsace.
C’est à l’âge de 12 ans, en 2008, que j’ai commencé à perdre mes cheveux. La chute a été très rapide, en 2-3 mois je n’avais plus de cheveux ni de sourcils, cils et poils. Le diagnostic de la pelade a été rapidement posé mais à l’époque je ne connaissais pas du tout cette maladie et mon entourage non plus. J’ai mis du temps à réaliser ce qu’il m’arrivait.
Au moment de votre chute de cheveux, pensez-vous avoir eu les renseignements nécessaires au sujet de votre pathologie et avez-vous eu un accompagnement psychologique ?
J’ai vu plusieurs médecins (dermatologues, médecins généralistes, psychologues, psychiatres, praticiens hospitaliers) afin de trouver des solutions pour soigner ma pelade mais aussi comprendre la raison de sa survenue car n’ayant aucun trouble somatique, on m’a fait comprendre que cela pouvait être dû à un « choc émotionnel ». Effectivement, j’ai traversé une période très compliquée quand j’étais enfant et avec le recul je pense que c’est lié à ça d’autant plus que les périodes correspondent.
Je n’ai jamais trouvé mon compte auprès des médecins et thérapeutes. Ni même auprès des médecines douces/alternatives. Ça doit bien faire 8 ans que j’ai arrêté tout suivi et traitement car je suis convaincu que seule la nature fera repousser mes cheveux, ou pas. Je ne veux pas et je ne me sens pas capable d’assumer un traitement qui pourrait me rendre malade et me donner des faux espoirs. Je trouve que c’est déjà libérateur de ne plus vivre dans l’attente d’une repousse.
Par quelles solutions avez-vous eu recours pour cacher votre chute de cheveux ? Quelles ont été les différentes étapes du début et jusqu’à ce jour ?
Au tout début de ma maladie j’ai commencé à porter une perruque mais à l’âge de 12-13 ans c’est difficile à assumer. Je le vivais très mal, j’avais l’impression qu’on ne voyait que ça ! Du coup ça n’a duré qu’un an et à 14 ans, j’ai commencé à porter un foulard. Ça a duré jusqu’à l’âge de 16 ans. Au bout de 3 ans de foulard je ne me supportais plus, j’avais besoin de retrouver un semblant de féminité grâce à des cheveux et j’en avais marre des regards insistants dans la rue et de la curiosité mal placée.
Et donc depuis l’âge de 16 ans environ je porte une perruque quand je suis en public.
Aujourd’hui où en êtes-vous dans l’acceptation de votre pathologie ? Ressentez-vous le besoin de porter votre perruque au quotidien ? ou est-ce que vous vous adaptez en fonction de votre entourage ? (Famille, collègues, amis…)
Dire que j’accepte est un grand mot. On va dire que je m’y suis habituée, j’ai appris à vivre avec, je me suis « résignée » sur ma condition.
Au quotidien j’ai encore le sentiment de me cacher car je porte systématiquement ma perruque en public et sortir avec un foulard ou sans rien reste encore un exercice compliqué même si j’ai moins de difficultés à en parler. Néanmoins je fais un travail là-dessus afin de mieux le vivre et d’assumer enfin qui je suis. Mon but est de me sentir bien avec ma différence et de me trouver belle même sans cheveux. Pour cela je dois faire preuve d’indulgence et de patience envers moi-même, mais aussi retrouver confiance en moi.
Seuls ma famille et mes amis proches ont l’occasion de me voir sans perruque à quelques occasions. Et lorsque je suis en couple, ce n’est pas quelque chose que je souhaite cacher. Depuis peu j’essaye de porter à nouveau des foulards mais différemment qu’à l’époque.
A tort, on envie maladroitement les personnes qui n’ont plus de poils mais quelles en sont réellement les contraintes au quotidien ?
C’est vrai qu’on me dit souvent que j’ai de la chance de ne plus avoir de poils car beaucoup de femmes passent des heures à souffrir chez l’esthéticienne et cela coûte également de l’argent.
Je réponds toujours à ces personnes qu’à choisir, je préférerais avoir des poils et subir l’esthéticienne que vivre avec une pelade. D’autant plus que les perruques sont assez mal prises en charge par la sécurité sociale. L’un des inconvénients c’est bien évidemment la perte des sourcils et des cils !! C’est très difficile de camoufler cela.
J’ai déjà testé beaucoup de maquillage et l’année dernière j’ai passé le cap du microblading qui malheureusement n’a pas été concluant.
Ce que je vis également le plus mal est de devoir me restreindre dans certaines activités comme la baignade car je ne peux pas me baigner avec une perruque au risque de l’abîmer et qu’elle se voit. Mais aussi car le maquillage tient très mal avec l’eau. Je ne voudrais pas sortir de l’eau avec un sourcil en moins et ma perruque de travers… vous imaginez bien ! Les activités sportives sont également contraignantes car transpiration et perruque ne font pas bon ménage.
Comment faites-vous pour y remédier ? Quels sont vos trucs et astuces pour rester féminine ? Quels produits annexes devez-vous acheter pour camoufler votre pathologie ?
Actuellement j’achète des sortes de tatouages sourcils que j’ai découvert grâce à des femmes comme moi sur Instagram ! Je compare ça aux tatouages malabar. Ça peut paraître ironique dit comme ça mais c’est très réaliste, ça tient assez bien et ça reste abordable ! À côté j’achète pas mal de maquillage waterproof et des produits capillaires pour entretenir ma perruque. J’envisage également de retenter l’expérience des faux cils ! J’ai toujours eu du mal à les faire tenir mais je ne compte pas lâcher l’affaire.
On va dire que je me maquille beaucoup pour compenser la perte de mes cils et sourcils et faire en sorte que ça ne se remarque pas trop.
Pour quelles raisons avez-vous décidé de vous dévoiler sur Instagram ? Quel a été le déclic ?
Depuis quelques temps il y a de plus en plus de comptes qui émergent sur Instagram avec des personnes mettant en avant leur différence, que ce soit un handicap, une maladie, une simple différence physique ou esthétique… j’ai toujours été admirative de ces personnes sans pour autant m’imaginer faire pareil. Je me demandais toujours, qui s’intéresserait à moi ? À mon problème ? Il y a pire dans la vie.
Et puis ma demi-sœur Joanna a entrepris de faire son mémoire d’études sur le sujet de la perte de cheveux et des perruques. Elle m’y a fait participer en me faisant passer une interview sur ce sujet et nous en sommes venu à parler des réseaux sociaux. Je pense que ça a participé à vouloir créer mon profil et parler de mon histoire. D’autant plus que j’ai toujours aimé écrire et qu’à l’époque de la perte de mes cheveux je tenais déjà un blog anonyme à ce sujet.
Maintenant ce qui me motive c’est de faire connaître cette maladie car on croit à tort qu’une femme chauve est une femme qui a un cancer simplement car les gens ne connaissent pas la pelade.
Les conséquences de cette maladie sont aussi souvent minimisées car physiquement nous sommes en bonne santé mais c’est une maladie qui peut être dévastatrice psychologiquement. Moi-même je culpabilise souvent quand j’en parle car il y a des personnes qui vivent avec des problèmes bien pires ! Mais quelqu’un m’a récemment dit qu’il n’y pas de « classement » à nos souffrances et qu’elles se valent toutes et qu’on ne devrait pas se sentir gêné de ce que nous ressentons et vivons. Cette personne a tellement raison. C’est dur de vivre avec une pelade.
Qu’aimeriez-vous dire aux personnes qui sont dans la même situation que vous ?
J’aimerais dire aux personnes qui, comme moi, subissent la perte de leurs cheveux, qu’il est possible d’être heureux et de vivre bien avec cette particularité. Il faut simplement se donner du temps et beaucoup d’amour à soi-même. Notre corps ne mérite pas qu’on soit si sévère avec lui !
Ce n’est pas simple, je vous l’accorde. J’ai moi-même encore beaucoup de chemin à parcourir. Il faut sans doute toute une vie pour parvenir à l’acceptation mais au final on en sort grandi et gagnant.
Le positif engendre le positif.
Découvrez là sur son profil Instagram : @baldiary_
Si vous aussi vous ressentez le besoin d’en parler et si vous avez envie d’échanger, n’hésitez pas à nous contacter : info@clic-perruques.fr