Henrietta Lacks et ses cellules immortelles : découvrez comment cette femme a fait basculer la recherche sur le cancer

Image par PublicDomainPictures de Pixabay

HeLa : c’est le nom qu’on a donné aux cellules cancéreuses d’Henrietta Lacks (He pour Henrietta et La pour Lacks), une noire-américaine décédée d’un cancer foudroyant de l’utérus en 1951, à Baltimore dans le Maryland. Durant son séjour à l’hôpital John-Hopkins, le seul de l’époque qui accueillait les patients noirs, le médecin biologiste Georges Otto Grey prend la décision de prélever, sans le consentement de sa patiente, des cellules saines ainsi que des cellules malades de cette dernière.

Cellules Il fait à ce moment une extraordinaire découverte : une fois mises en culture, les cellules saines d’Henrietta meurent rapidement tandis que ses cellules cancéreuses (malignes) se multiplient in vitro à vitesse grand V et sans limites ! C’est la première fois qu’on arrive à maintenir en vie des cultures de cellules humaines, et la cerise sur le gâteau, elles se démultiplient indéfiniment à raison d’une nouvelle génération toutes les 24 heures, et cela encore aujourd’hui. C’est donc un grand pas pour les chercheurs qui tentaient depuis des années d’étudier les réactions de différents traitement sur des cellules humaines.

Au jour d’aujourd’hui, HeLa constitue toujours la lignée standard pour les études de cancérologie et de biologie cellulaire effectuées sur des cellules humaines. On retrouve son utilisation dans plus de 64 000 publication scientifiques ! Seulement aujourd’hui, des généticiens allemands (Laboratoire européen de biologie moléculaire d’Heidelberg – EMBL, Allemagne) soulèvent des interrogations sur l’intégrité génétique de ces cellules : un récent séquençage génomique de la populaire lignée « Kyoto » HeLa révèle des erreurs connues, communes aux cellules cancéreuses, comme des copies supplémentaires de certains chromosomes, mais présente aussi des mutations inattendues comme une forte expression de certains gènes et le remaniement de segment sur de nombreux chromosomes.

Après plus de 60 ans d’exploitation, il serait maintenant temps aux cellules d’Henrietta de prendre leur retraite !

        Quelles sont les plus grandes découvertes scientifiques liées aux cellules HeLa ? Voici une sélection non exhaustive des plus importantes utilisations des cellules HeLa :

  • Mise au point du vaccin contre la poliomyélite – 1951
  • Révélation des chromosomes : en renversant par erreur un produit chimiques sur des cellules HeLa, un scientifique fait apparaître les chromosomes contenus dans les cellules
  • Début du clonage et de la fécondation in vitro grâce à la création de lignées de cellules HeLa – 1953
  • Cancer du col de l’utérus : Haral Zur Hausen découvre que le virus du papillome humain (VPH) jour un rôle dans le cancer du col de l’utérus en exploitant les cellules HeLa. Il travaille sur un vaccin et reçoit un prix Nobel en 2008 – 1984
  • Identification d’un récepteur clé dans le virus du sida HIV – 1986
  • Découverte de la télomérase : une enzyme que les cellules cancéreuses utilisent pour ne pas mourir – 1989
  • Utilisation des cellules HeLa pour mieux comprendre comment la tuberculose attaque nos cellules – 1993
  • Et pour citer la plus originale : elles ont été envoyées dans l’espace afin d’étudier l’effet de l’apesanteur sur les cellules humaines afin de savoir si elles pouvaient survivre en l’absence de gravité

D’après la journaliste Rebecca Skloot dans La Vie immortelle d’Henrietta Lacks, un roman biographique sorti aux éditions Calmann-Lévy en 2001, « Alignées bout à bout, les cellules HeLa, produites depuis le début de leur mise en culture, feraient au moins trois fois le tour de la Terre, s’étirant sur plus de cent mille kilomètres et pesant 5 tonnes…  Impressionnant, pour ce petit bout de femme d’un mètre cinquante »

Henrietta Lacks

Henrietta Lacks est une Américaine d’origine Africaine, née en Virginie en 1920. Issue d’une famille pauvre et très nombreuses de 10 enfants, elle grandit auprès de son grand-père après la mort prématurée de sa mère. C’est l’époque de la ségrégation raciale et la jeune Henrietta travaille dans les champs de tabac alors qu’elle donne naissance à ses cinq enfants. Le 29 janvier 1951, à la suite d’une boule dans le ventre et de saignements, elle se rend à l’hôpital Johns-Hopkins pour se faire examiner ; c’est à l’époque le seul hôpital de la région qui accueille les patients noirs. Les médecins prélèvent un échantillon de sa tumeur au niveau du col de l’utérus et rendent le verdict : c’est une tumeur maligne très invasive. Elle retournera 7 mois après dans ce même hôpital, en aout 1951 afin de suivre un nouveau traitement puis y laissera la vie en octobre, à l’âge de 31 ans. Durant son traitement, les médecins en ont profité, sans son consentement, pour prélever des échantillons cellulaires afin d’alimenter leurs essais sur les cultures de cellules humaines. Cet acte est aujourd’hui beaucoup contesté, surtout par sa famille qui n’a jamais été consultée et qui, à l’époque, n’a bénéficié d’aucun avantage financier par apport aux avancées que les cellules de leur défunte a apporté à la science. Cette histoire a également mis sur le devant de la scène un long débat éthique : celui du consentement de la personne et des proches quant aux prélèvements de tissus.
The immortal life of Henrietta LacksDepuis, afin de ne pas faire passer aux oubliettes la personne qu’était Henrietta, la journaliste Rebecca Skloot a écrit un roman biographique sur la jeune femme intitulé La Vie immortelle d’Henrietta Lacks sorti en 2001 aux éditions Calmann-Lévy. On note aussi en 2004, la sortie d’un court-métrage sur l’utilisation de ces fameuses cellules dans le monde scientifique par le réalisateur Mathias Tery.

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